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Photo du rédacteurMarion Massot

Culture Design, il est temps de casser des chaises S2E28



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Bonne année 2020 à toutes et à tous !


On va commencer cette année avec une suite de podcasts sur un sujet d'actualité : l'écologie. L'écologie est une science qui étudie les êtres vivants dans leur milieu en tenant compte de leurs interactions et nous allons voir quelle est sa relation avec la démarche du design.


Pour débuter ce sujet, je me suis concentrée sur le célèbre manifeste « Design for the real world » - Design pour un monde réel en français – écrit par Victor Papanek en 1971. Cet ouvrage a été écrit il y a presque 50 ans mais pour moi, il a désormais une place privilégiée dans la bibliothèque des designers.


Tout d'abord, qui est Victor Papanek ?


Papanek est un designer austro-américain, né à Vienne en 1923 et décédé à Lawrence aux États-Unis en 1998. Fuyant l'Europe nazie, il débute ses études en Angleterre puis il partira aux Etats-Unis étudier le design et l'architecture. En 1946, il s'installera à son compte sous le nom de Design Clinic et se démarquera en proposant du mobilier simple, moderne, bon marché et facile à fabriquer. A partir de 1949, il réalisera quelques collaborations avec l'architecte Frank Lloyd Wright.


En parallèle de ses études de design et d'architecture, Papanek s'intéresse aussi à l'anthropologie. C'est ainsi qu'il travaillera pendant plusieurs années avec les nations autochtones Navajos et Inuits. Le résultat de cette collaboration démontre que, lorsque la conception est simplement technique, elle détruit le lien avec ce qui est nécessaire, c'est-à-dire le but premier de ce pourquoi il a été créé, avec les personnes usagères. Le résultat d'une démarche issue du design doit-il répondre uniquement à la fonction pour laquelle il a été créé ? Répondre au besoin, c'est la base et cela n'impose pas pour autant une sobriété radicale. Seulement, il ne faut pas mettre de côté les valeurs transmises qui contribuent, quant à elles, à répondre à des besoins culturels spécifiques et non, d'imposer de force une pensée générale.


C'est ainsi que, tout au long de sa carrière, il défendra un design responsable, tant d'un point de vue écologique que social, en analysant tous les aspects de la conception et sa relation avec les individus et son environnement en général. Il critiquera férocement les produits industriels qu'il juge peu sûrs, présomptueux, très peu adaptés et souvent inutiles, fruits de la société de consommation. Pensée que je partage, en affichant cette citation dans mon portfolio : « La seule importance dans le design, c'est la relation avec les gens ».


Il s'intéressera aussi énormément à la nature. Elle est pour lui un système intelligent qui se pose en source intarissable d'inspiration. En effet, il s'inspirera de modèles issues de la nature, qu'il appliquera dans la construction . C'est ce que l'on appelle actuellement le biomimétisme. Par exemple, en étudiant la cristallographie, il découvrit que la forme des tétradécaèdres était la forme la plus pratique pour les containers de pétrole qui permettent un transport plus sûr.


Dès lors, il est considéré comme un des pionniers de l'éco-design. C'est en effet, un des premiers à alerter sur la nécessité et l'urgence de considérer les impacts possibles des productions, comme le cycle de vie et le recyclage. Dans son manifeste, il déclare, à propos de la démarche du design, que « s’il veut assumer ses responsabilités écologiques et sociales, doit être révolutionnaire et radical. Il doit revendiquer pour lui le principe du moindre effort de la nature, faire le plus avec le moins. ».


C'est grâce à cette ferveur intellectuelle qui anime Papanek que naît le célèbre manifeste radical Design for the Real World. Human Ecology and Social Change qui fera sa renommée internationale. Il a été traduit en plus de 20 langues dont une version française en 1974, désormais épuisée. Dans son ouvrage, il s'interroge sur l'écologie, mais aussi les différentes migrations, le féminisme, les médias, les dérives du néo-libéralisme ainsi que la notion du travail. 


Il dénoncera notamment avec beaucoup de virulence le design publicitaire : « Peu de professions sont plus pernicieuses que le design industriel. Il n’y a peut-être qu’une seule autre profession qui soit plus factice : le design publicitaire, qui persuade les gens d’acheter des objets dont ils n’ont pas besoin, avec de l’argent qu’ils n’ont pas, afin d’impressionner d’autres gens qui s’en moquent ». Un peu plus loin, Papanek dénoncera la vacuité et la dangerosité des réflexions de ces mêmes publicitaires : « Pour la première fois dans l’histoire, des adultes se sont assis à une table de travail pour se pencher avec sérieux sur les brosses à cheveux électriques, les coffrets à limes couverts de strass, les tapis de vison pour salles de bains. Ils ont établi des plans minutieux pour la production et la vente de ces gadgets à des millions de gens. Autrefois, si quelqu’un avait un penchant au meurtre, il lui fallait devenir général, acheter une mine de charbon, ou étudier la physique nucléaire pour assouvir ses besoins». Et il tiendra un journal dans lequel il répertoriera les objets lui semblant absurdes tels « Des clous en or 14 carats, un sélecteur de cravate électrique sans fil, des poupées de plastique à torturer pour les 8-12 ans, un coussin de satin en forme d’œuf à porter pour faire croire que l’on est enceinte, des costumes de lutins de noël pour chiens... » etc.


En résumé, l'éco-design est une mission : celle de comment façonner notre société, comment permettre l'égalité des chances, et comment vivre en équilibre avec la nature.


En jetant ce regard critique sur le design industriel des années 70, Papanek met en évidence la notion de diktat du marché, ce néo-libéralisme qui provoque l'illusions d'avoir toujours plus besoins de nouvelles choses, à forcer la consommation et à maintenir cette main-mise de l'argent dominant le monde.


En tant que designer, je pense que nous avons le devoir de revenir à des besoins essentiels, notamment ceux cité par Papanek : «La paix, l’air pur, l’eau pure, la liberté, l’égalité, le logement, la nourriture, les vêtements, l’éducation, le “travail” en tant qu’activité dotée de sens et les enfants », et ainsi de suite. Il est temps de se demander, lorsque que l'on conçoit quelque chose, quel sera son impact sur l'écologie humaine, mais aussi plus globalement sur le monde dans lequel on vit ?


Mike Monteiro, dans sa conférence How designers can destroy the world – Comment les designers détruisent le monde – l'explique parfaitement. Il utilise un exemple concret que l'on appellerait « bad design » qui a littéralement détruit la vie d'une personne réelle, Bobbi Taylor. Cette lycéenne a révélé malgré elle son homosexualité sur Facebook, dont son père. En voulant intégrer le groupe Facebook de la chorale gay de son lycée, les préférences de sécurité étaient totalement incompréhensibles ce qui a fait que son action a été visible par tous ses contacts Facebook. Elle n'avait jamais parlé à son père de son homosexualité et on comprend pourquoi : son père est une personne ignoble, qui l'a menacé publiquement de la renier et en a profité pour insulter ses collègues de la chorale gay sur Facebook. C'est ainsi que Monteiro conclue, de manière très irrévérencieuse : « Décide d’être le connard qui va faire bouger les choses. Personne ne te donnera la permission ».


Dans notre époque où la production de masse a atteint son apogée, le design est devenu un méta-outil : il est un outil qui sert à créer les autres outils. Il transforme son environnement, participe au changement social, à l'avenir climatique etc...


Etre designer, c'est accepter d'avoir un certain pouvoir. Et comme le dit l'oncle de Spiderman, « un grand pouvoir implique de grandes responsabilités » : c'est-à-dire avoir un sens aigu des responsabilités, qu'elles soient, sociales, environnementales ou tout simplement, morales.


Je ne changerai pas le monde à moi toute seule, mais je crois en l'idée que chacun, d'entre nous, à son échelle peut contribuer à une amélioration positive du monde dans lequel on vit. Quand on produit avec du sens, on crée de la valeur.


En attendant, l'horloge de la fin du monde marque minuit moins deux...


Merci de m’avoir écouté ! On se retrouve la semaine prochaine pour un nouvel épisode !

Vous retrouverez toutes les sources concernant le podcast sur mon site internet massotmarion.wixsite.com/website dans la rubrique blog puis Podcast.


Vous pouvez vous abonnez à ce podcast sur de nombreuses plateformes telles que Deezer, Spotify, iTunes Podcast, Youtube ou Podcast Addict.


N’hésitez pas à le partager avec votre entourage, à faire un don sur ma cagnotte Tipeee ou à me laissez votre avis. Je me ferais un plaisir de le lire lors d’un prochain podcast !


A la semaine prochaine !”.


 

Sources

- http://magalierastello.com/files/pdf/30_fr_Papanek.pdf


Bibliographie :

Papanek – Design for the real world

Disponible sur Issuu : https://issuu.com/pierrebv/docs/victor_papanek_-_design_pour_un_monde_r_el


Bibliographie :

- Papanek – Design for the real world, disponible sur Issuu

 

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