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Photo du rédacteurMarion Massot

Culture Design, il est temps de casser des chaises S2E17




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Bonjour à toutes et à tous ! Bienvenue sur le podcast Culture Design, il est temps de casser des chaises !


Nous continuons sur le chemin de l'innovation et nous allons parler aujourd’hui de la machine à laver et son rôle par rapport à l'émancipation de la femme !


Une grande percée dans l’univers scientifique prépare la révolution industrielle. La mise au point de la machine à vapeur de James Watt sera l’avènement « mère » du progrès technique. Il permet la mécanisation systématique du travail au 19ème siècle. La mécanisation de l’agriculture provoque l’accroissement de sa production et s’ensuit la construction des usines.Cet élévateur industriel emmène avec lui une nouvelle masse de main-d’oeuvre venant de l’artisanat et du monde agricole. Ce transfert professionnel transforme la société avec une grande ampleur : on passe d’une culture du travail fondée sur le métier artisanal à une culture du travail industriel. Un véritable remue-ménage secoue la société et ainsi, débute l’exode rural.


Les conditions de vie s’améliorent et on voit apparaître de nouvelles classes sociales. La bourgeoisie devient le symbole de l’élite économique possédant le capital et les moyens de production. Quant à la classe ouvrière, elle forme de manière prépondérante le prolétariat industriel.


L’industrialisation remplace peu à peu la culture de l’artisanat en apportant de véritables transformations sociales, morales, et culturelles. « L’instrument le plus banal et le plus répandu, en l’occurrence la machine à laver, constitue, en ce sens, un témoin privilégié » explique Marie-Noëlle Denis, sociologue. Introduire la machine à laver à l’intérieur du foyer fut une véritable innovation.


Laver le linge est une activité harassante, physique qui se déroule dans un environnement insalubre. Les femmes s’arment de courage, malgré le caractère habituel de cette tâche. Jadis, laver le linge se déroulait entre femmes, le long d’une rivière, sur une pierre ou une planche inclinée, sans abri132.Ce n’est suite qu’à un besoin d’hygiène croissant, à partir du XVIII siècle, non sans lien avec la pollution industrielle, que les lavoirs ont été construits. Ils représentent l’ancêtre de la machine à laver actuelle.


Les petits édifices qui protègeront par la suite les lavandières, eurent l’aspect de petit temple dans lesquels, cette tâche si répétitive et épuisante, se trouve valorisée et débarrassée de la souillure, une sorte de pureté morale comme on peut le lire dans le texte de la Genèse. Leur position agenouillée, donnant l’impression qu’elles font leur prière accentue le côté sacré du lavage.

C'est en 1815 qu'apparait la première machine à laver mécanique, dite «lessiveuse», inventé par James King, et reprend le geste des lavandières et en 1830 se développent les premières machines manuelles dites « barboteuses » grâce au constructeur français Flandria.

L’intégration du progrès scientifique dans le domaine privé confronte le design à la complexité du patrimoine des habitudes de chacun. La métaphore du linge est une notion très représentative. Quand les vêtements sentent mauvais, quand ils sont tâchés ils sont donc sales. Avec le mouvement hygiéniste évoluant à travers l’amélioration des conditions de vie, la saleté est devenue la causalité des maladies.


De ce fait, le linge offre des réflexions dichotomiques. D’un côté, une acceptation de la saleté matérielle et de l’autre, la saleté morale.Le linge réalise la transition, de l’intime au paraître. On lave désormais son linge sale «en famille», on se cache presque. L’expression est limpide : on ne se retrouve plus au lavoir pour divulguer commérages et autres dissensions familiales mais tout se lave chez soi, entre personnes concernées. L’expression d’individualisme familial s’inscrit fortement, les affaires personnelles restent confidentielles.


Il est d’ailleurs une véritable projection de normes sociales. L’image traditionnelle de la femme la rend responsable de la propreté de la maison et de la bonne tenue de tous les membres de la famille. Les bourgeois et la classe moyenne se différencient au premier oeil, par la qualité des vêtements mais aussi, par le niveau de crasse sur les vêtements. La saleté est ainsi le symbole du labeur, de l’effort fournit au travail, du mérite.


Les signes de résistance par rapport à l’acceptation des machines au début de sa conception font écho à l’émancipation des femmes. Très attachés à la mécanique humaine, l’industrialisation a développé l’acceptation d’une machine chez soi, issu d’un processus psychologique de reconnaissance des services positifs. Le foyer est le lieu de construction du fait familial : la famille se crée au sein des tâches ménagères. On crée des liens familiaux, les corvées ne sont pas une activité négative car elles participent à la construction identitaire. La machine à laver est l’outil par lequel on passe d’un univers symbolique (Homme – nature) à un futur univers artificiel (celui des appareils électroménager). Le monde des objets s’impose peu à peu à nous, le but étant de chercher à simplifier son environnement. Pour la population, cette nouveauté annonce la perte des savoir-faire du travailleur, l’ouvrier, contrairement à l’artisan, et n’a plus le plaisir de produire. Mais, grâce à la diffusion dans l’objet technique une perception incluant l’ensemble des rapports de l’homme à la technique comme une démarche qui a participé à la construction même de notre humanité, le lave-linge et autres innovations ont pu se frayer une place dans nos intérieurs.


Or, cette innovation a servi à la libération de l’asservissement de la Femme.


La révolution industrielle a permis d’instaurer le nouvel essor de la place des femmes dans la société.Grâce à ces innovations, la femme s’offre un gain de temps considérable. Nul besoin de se déplacer au lavoir, la lavandière ne s’agenouille plus pendant des heures. Elle ménage alors son dos et cette innovation demande moins d’opérations techniques.

Phallocratie et patriarcat, « maître » étalon au 19ème siècle, l’introduction de la machine à laver a permis une rupture paradigmatique.En effet, les signes de résistance par rapport à l’acceptation des machines au début de sa conception font écho à l’émancipation des femmes.


Le concept anthropologique s’orchestre alors, selon un rapport d’opposition : les tâches domestiques vont aux femmes et l’activité professionnelle aux hommes. La ménagère est alors très valorisée et revêt un rôle majeur. La machine à laver devient le porte-parole de la libération de la femme. Féminisme, et innovation, même combat : «Car le féminisme ne se résume pas à une revendication de justice, parfois rageuse, ni à telle ou telle manifestation scandaleuse ; c’est aussi à la promesse, ou du moins l’espoir, d’un monde différent et qui pourrait être meilleur (...) on ne nous parle jamais de ces femmes qui se sont battues pour nous. Car c’est toujours une lutte de femmes qui a présidé à l’amélioration du sort des femmes (...) ces «effrontées» qui, dès la Renaissance, à une époque autrement difficile que la nôtre, eurent l’audace et la générosité de coeur nécessaires pour quitter la dignité et la sécurité d’un foyer et affronter l’ironie, l’hostilité ou la prison» écrite Benoîte Groult dans son livre Ainsi soit-elle.


Le processus d’émancipation des femmes s’effectue grâce au développement de l’accès au savoir dispensé aux jeunes filles. La réduction du temps de travail permet à la femme d’utiliser ce temps libre pour commencer à s’éduquer, rentrer dans la vie active, et s’octroyer des loisirs.


Par l’éducation, les femmes, qui jugeaient « normales » leur situation prennent conscience qu’elles sont de véritables actrices indispensables à la vie quotidienne, qu’elles mènent une vie de coexistence égale à l’homme, tant dans la prise de décisions que dans sa nature d’être féminin.


« Plus que la pilule contraceptive, la machine à laver a représenté une véritable émancipation pour la femme»écrit Quynh Delaunay, sociologue. Objet à l’essence féminine, c’est cette « culture des femmes (qui) a fait de la machine à laver française une machine pareille à aucune autre » explique encore Delaunay. Le lave-linge permettra à la femme de se libérer du joug phallocratique et de sa routine séculaire. La perte du savoir-faire au profit du repos et de la connaissance, est nécessaire pour améliorer la condition féminine. Gain de temps et de connaissance, la machine délivre ainsi les prémices de l’affranchissement de la femme en tant que ménagère.


Anne Beayert-Geslin, dans son livre Sémiotique du design, explique que «le sujet s’approprie alors l’objet et s’identifie à lui pour organiser son parcours quotidien. Par cet échange, le sujet autonome contrôle le sens en même temps qu’il se construit en tant que personne». Le lave-linge deviendra alors un élément perturbateur qui vient bouleverser la stabilité de la situation entre les hommes et les femmes dans leur conception sociale préétablie. En définitive, « cet outil quotidien» est « un objet technique qui parle des femmes » conclue Quynh Delaunay mais il a surtout permis à la femme de se libérer elle-même.


Merci de m'avoir écouté ! On se retrouve la semaine prochaine pour un nouvel épisode !


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Sources


Bibliographie :

- GROULT Benoîte, Ainsi soit-elle

- Article - Evolution et déterminants des modèles familiaux, Jacques Marquet

- Article - Les machines : “fées ” ou “monstrueux mécanismes”? Technologie et progrès dans les comptes rendus des travailleurs italiens aux Expositions Universelles de Paris (1867 – 1900) - Les expositions universelles en France au XIXe siècle, Paris, CNRS Éditions, Coll. Alpha, 2012, pp. 331-345.

- Article – Toucher des illusions, Yvette HATWELL, Edouard GENTAZ (http://www.f2smhstaps.ups-tlse.fr/tp/fichier/UE8/Viviane.pdf)

- Les femmes, actrices de l'Histoire: France, de 1789 à nos jours, Yannick Ripa, Broché, 2010, 224 pages

- Mon évasion, Benoîte Groult, Paris, Poche, 2010, 352 pages

- Ainsi soit-elle, Benoîte Groult, Paris, Poche, 1977, 279 pages

- Introduction aux Gender Studies : manuel des études sur le genre, Laure BERENI, Sébastien CHAUVIN, Paris, Broché, 2012, 358 pages

- Sémiotique du design, Anne BEAYAERT-GESLIN, PUF, Paris, 2012, 243 pages


Images :


Sitographie :


- Mon mémoire : https://issuu.com/massot.marion/docs/massot_me_moire

https://www.cairn.info/revue-d-histoire-litteraire-de-la-france-2009-4-page-899.htm

http://www.thucydide.com/realisations/comprendre/femmes/femmes6.htm

http://lilie2fr.pagesperso-orange.fr/html/histoire_du_travail.html

http://www.gsara.tv/libramont/2009/janvier/janvier_4.html

http://www.lecreusot.com/site/decouvrir/histoire/litterature/economie_sociale/economie_sociale_ecoles_menageres.php

http://www.toolito.com/news/machine-a-laver-pedale-sans-electricite-drumi/

http://www.ofce.sciences-po.fr/pdf/revue/3-90.pdf

http://travaildesfemmes.e-monsite.com/pages/i-de-1850-a-1920-un-travail-des-femmes-important-mais-non-reconnu.html

http://brunorigolt.blog.lemonde.fr/2009/03/11/la-citation-de-la-semaine-olympe-de-gouges/

http://www.seneweb.com/news/Societe/mohamed-saloum-soumare-inventeur-la-mach_n_133603.html

http://retro.seals.ch/cntmng?pid=emi-001:1925:13::115

http://documents.irevues.inist.fr/bitstream/handle/2042/30722/CT_1980_3_167.pdf?sequence=1&isAllowed=y

http://d-fiction.fr/2012/12/si-les-femmes-faisaient-les-maisons-la-croisade-de-paulette-bernege/

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