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Retranscription en texte :
"Bonjour à toutes et à tous et bienvenue dans la saison 2 de Culture Design, il est temps de casser des chaises !
J'espère que vous avez passé un très bel été, que vous avez pu prendre soin de vous et que vous êtes prêt pour cette nouvelle rentrée !
Dans la saison 1, nous avons discuté de la genèse de ce projet, puis je vous ai expliqué ce qu'était le design, le rôle du designer puis on a fait un tour dans l'Histoire. Ensuite, nous avons abordé des notions, telles que l'interaction, la différence entre l'UX et l'UI, le design émotionnel etc. Et aussi, je vous ai partagé mes rencontres avec 2 designers au Canada.
Pour cette saison 2, nous allons commencer avec la notion d'innovation !
Qu'est-ce que l'innovation ?
Le terme innovation est apparu au 16ème siècle, emprunté au latin innovare qui signifie « renouveler ». Ce terme fut tout d'abord utilisé par les juristes dans le sens d'« ajouter une clause dans un contrat déjà établi » puis, ensuite, c'était pour signifier « le fait d'introduire une nouveauté dans quelque chose de préexistant afin de la rendre pérenne ».
Le philosophe Francis Bacon est le premier à user du mot innovation en rapport avec les sciences et techniques. Dans son Essais de Morale et de Politique, publiés en 1625, il démontrait la nécessité d’innover : « Chaque médicament est une innovation, et celui qui ne s’applique pas de nouveaux remèdes doit s’attendre à de nouveaux maux ; car le temps est le plus grand corrupteur et s’il change les choses pour le pire, et que la sagesse et le conseil ne les modifient pas pour le meilleur, quelle sera la fin ? ».
Pour Joseph Schumpeter, économiste du 20ème siècle, la condition du progrès technique, économique et social est permis par le système capitaliste. Le système capitaliste donne à l'innovation le rôle de « source de croissance à long terme ». De ce fait, maintenir une capacité créative dans une entreprise, c’est être capable de renouvellement au niveau de ses produits, services et méthodes. Cet ensemble est la fonction capitale pour la pérennité de l'entreprise. Ainsi, l'innovation devient un système économique grâce à l'exploitation industrielle des inventions.
Christensen, disciple de Schumpeter, note deux formes d’innovations : l'innovation continue et l'innovation de rupture. La première, permet l’amélioration d’un produit ou service existant, tout en respectant la trajectoire de la performance présente. La seconde modifie ce système : de nouvelles dimensions et de nouveaux critères de performance pénètrent et créent ainsi de nouvelles catégories de produits ou services.
En résumé, l'innovation, c'est le progrès, une marche en avant mais surtout, cela nous démontre qu'il faut innover pour survivre. Le temps est l'élément qui fait que la recherche d'innovation est une nécessité. Cependant, l’innovation présentant toujours le risque d’aggraver les maux, de ce fait, Bacon recommandait d’avancer prudemment.
Et si l'on remonte aux origines même de l'innovation, il y a tout d'abord l'invention. L'invention, c'est l'idée. L'innovation c'est la réalité économique, c'est-à-dire le succès de cette idée : dès lors que les gens achètent votre produit ou service.
Par exemple, la roue est une invention. Son innovation fut d'être utilisée au niveau des charrues puis en tracteur (et ainsi, améliorer le rendement économique de l'agriculture). Elle fut aussi utilisée dans le système des moulins, des voitures et aujourd'hui, on la retrouve aussi sous nos chaises de bureau !
De ce fait, quel est le rapport entre design et innovation ?
Le design permet de favoriser l’intégration et l’acceptation de l’innovation.En effet, la genèse d’un projet se trouve aussi bien chez son concepteur que chez son destinataire. Il n’est pas déterminé exclusivement par des éléments extérieurs. En partant des besoins de l'utilisateur, on comprendre le contexte d'utilisation et en procédant de manière itérative, on garde le contact avec l'usager tout au long du processus de conception. L’intérêt est de rapprocher l’inconnu du connu en masquant la techniqueà travers la notion de « raisonnement de conception », comme l'explique Armand Hatchuel. Grâce au raisonnement de conception, il est possible « de créer avec préméditation des « expansions » du connus, expansions d’ailleurs toujours relatives à un « connu particulier » ».
C'est un caractère commun à l’architecte, l’ingénieur et le designer. La spécificité de l’ingénieur se trouve dans sa capacité à puiser dans la science, voir la technologieet surtout, il ne se soucie pas en premier lieu, des qualités esthétiques.
Pour l’architecte et le designer, le passage du connu à l’inconnu radical passe par un rapport plus restreint. L’objet de leur conception se doit de séduire et de surprendre. De cette manière, s’offre à eux, la possibilité de jouer du « chiasme : séduire en surprenant et surprendre en séduisant ». C’est là où se trouve le dilemme du design : créer un « inconnu immédiatement reconnu ». En effet, autant l’architecte subit « ses contraintes propres » (le collectif auquel il s’adresse par exemple), qui sont toujours déterminées par des normes sociales ou techniques. De plus, on devine très souvent à première vue ce pour quoi il a été créé. Alors que, du côté du designer, on voit s’ouvrir à lui un tas de possibilités. « Il est soumis à des contraintes de réception qui vont être déterminantes. Il ne s’agit pas des contraintes habituelles de coût, de production, ou de rentabilité, dont on fait trop grand cas, car celles-ci s’imposent à tous » explique Hatchuel.
Ces contraintes de réception se trouvent dans l’association de l'originalité du travail et de sa compréhension immédiate par le destinataire. Le designer de l’entreprise Bang & Olufsen, Jacob Jensen déclare qu’un objet doit être « different but not strange », suscitant «the power to take decisions without thinking » du destinataire.
Ainsi, l’activité du designer est de concevoir des solutions, tournées vers les utilisateurs. Ces conceptions relèvent du produit, du service et de l’expérience, répondant à leurs besoins, pour qu’ils facilitent leur vie ou voire même, « la ré-enchante », comme l'explique Stéphane Vial. En d’autres termes, le designer s’intéresse à l’usage. Le design devient un facteur d’appropriation des technologies, un facilitateur de leur diffusion par l’invention de nouveaux usages, de nouvelles expériences pour l’utilisateur. L'innovation est une action collective qui nécessite une démarche collaborative, apportée par le design.
Aux oubliettes l’approche techno-centrée, autrement dit, une vision centrée sur la machine et ses possibilités où l’utilisateur doit s’adapter à la machine. Aujourd’hui, il est nécessaire de replacer l’humain au coeur du processus d'innovation : c'est-à-dire, avoir une approche anthropo-centrée, « qui a la caractéristique de partir de l’humain pour répondre à des besoins humains ». Il faut désormais se centrer sur l’homme et ses besoins et faire en sorte que, la machine s’adapte à l’utilisateur. Auparavant, pour être utilisable, « un produit (...) devait être conçu avec précision”. Il devait être conforme aux « connaissances scientifiques ». En d’autres termes, cela signifie que « l’idéal du concepteur était pragmatique »n que l'on ne s'intéressait qu'à la fonction.
L’industrialisation a apporté de nombreuses évolutions technologiques. Dès les années 60, Hanna Arendt, dans son ouvrage Condition de l’homme moderne, explique qu’il est nécessaire de s’interroger sur l’usage en lien avec la machine. La machine n’est pas dangereuse en tant que telle mais son utilisation a été réglé en tenant compte de la portée existentielle de la relation que l’homme noue avec les objets de sa fabrication. Tim Brown, appuie cette pensée, dans la préface de son livre L’esprit Design, que « la technologie a permis de sortir de la pauvreté des millions de gens et d’améliorer le niveau de vie d’une partie considérable de l’humanité».
Mais, nous prenons désormais conscience que, cette approche techno-centrée atteint ses limites et nous en payons désormais les retombées néfastes. La conception de la productivité « a transformé (les) modes de vie d’une partie considérable de l’humanité », de « notre travail et nos loisirs». Aujourd'hui, il nous est plus que nécessaire d'avoir une réflexion approfondie de l'innovation, sur son rapport avec l’homme et la technologie. Le climat de notre planète a changé, la culture de la consommation à outrance amène un gaspillage considérable. L’industrialisation de l’agriculture nous a rendus vulnérables aux catastrophes naturelles ou provoquées par l’homme. « La biologie, la chimie et la physique ont fusionné pour donner la biotechnologie et les nanotechnologies qui nous promettent des médicaments et des matériaux miracles. Pourtant, ces évolutions spectaculaires ne nous seront pas d’un grand secours contre les dangers qui nous menacent ».
Auparavant, le design représentait la symbiose entre les arts et l’industrie, selon la théorie de Henry Cole. Mais comme l’écrit Tim Brown, le designer est bien plus qu’un « simple maillon dans la chaîne qui reliait le service d’ingénierie du client au département marketing ». Les entreprises se positionnent sur des marchés existants pour innover car « la virtuosité technique ne constitue pas la condition sine qua non du succès ». L’innovation est l’affaire de tous, à tous les niveaux, à tel point que l'on subit une sorte d'injonction à innover."Si l'on regarde en effet l'innovation sous un angle purement commercial, elle semble spontanément détachée de toutes préoccupations ayant de près ou de loin un rapport avec les questions de sagesse" pense Xavier Pavie, philosophe. Ainsi,l’innovation centrée utilisateur est un atout à privilégier car cela leur permettrait « d’exploiter des atouts qu’elles possèdent déjà : une large base de clientèle, des marques reconnues et fiables, un service client et des systèmes de support éprouvés, un réseau de distributeurs et de fournisseurs solidement établi».
L’innovation connaît de grands bouleversements dans lesquels toutes les typologies s’entremêlent : technologique face au non technologique, l’imbrication produit - service - procédé, incrémentale versus radicale… Dès lors, ce changement ne sera possible qu’avec une réflexion qui interviendra nécessairement sur la revalorisation des capacités humaines. Le design libère l’être humain. La transmutation du monde ne sera possible qu’à partir de la reconnaissance des valeurs humaines intrinsèques. La voie aujourd’hui, c’est l’exploration, l’adaptation, l’expérience. Redonner foi en l’humain, voilà où se trouve le véritable avantage compétitif de nos sociétés.
Merci de m'avoir écouté ! On se retrouve la semaine prochaine pour un nouvel épisode !
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Sources
Bibliographie :
- mon mémoire Vers la nécessité de la mise en place d'une politique du design : de sa démocratisation à une culture ancrée dans les grandes entreprises françaises (en lecture libre sur Issuu)
- Silberzahn Philippe, Relevez le défi de l'innovation de rupture
- Arendt Hanna, Condition de l'homme moderne
- Tim Brown, L'esprit design
Sitographie :
- https://www.franceculture.fr/emissions/la-conversation-scientifique/quelles-philosophies-pour-linnovation
- https://www.les-philosophes.fr/transhumanisme/innovation-epreuve-philosophie.html
- http://www.bpi-group.com/fr
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