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  • Photo du rédacteurMarion Massot

Culture Design - Il est temps de casser des chaises, épisode #6

Dernière mise à jour : 19 mai 2019






Dans ce sixième épisode, nous allons parler du design de service !









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A écouter tous les vendredi sur :

- l'application Podcast Addict


Retranscription en texte :


"Après avoir vu comment a évolué le design dans le temps, nous allons nous intéresser aujourd’hui sur une conception du design très actuelle : le design de service.


A l'époque de l'Antiquité grecque, la notion de service était largement dépréciée. Ce rôle revenait aux esclaves. Les penseurs classiques, comme Aristote, pour qui, « les esclaves et artisans sont soumis à la nécessité » propagent l'idée que toute forme de travail est méprisable. Le fait de travailler accapare l'homme dans de tristes tâches qui l'isolent du monde et l'empêchent d'élaborer les grands projets politiques, essentiels à la Cité. De ce fait, le travail est méprisable. La vie économique n'a pas sa place dans les questions de société, déjà accaparée par les conflits militaires, la politique et la philosophie.


L'Europe féodale qui succède à l'époque Antique, reste empreinte de cette vision. La vie économique s'est développée essentiellement au travail agricole, bien loin des échanges d'objets ou de services. Le commerce repose sur l'échange de denrées alimentaires quand les vêtements et objets usuels restent de fabrication familiale. Le mode de vie de la minorité détentrice du pouvoir est bien différent. Elle est faite d'ecclésiastiques et de nobles pour lesquels le travail est interdit et qui le tiennent en aversion. Ces aristocrates héritiers des penseurs antiques, ont ainsi recours à une population à part : les serviteurs. Ces derniers libèrent les aristocrates de toute besogne, mais aussi, leur permettent d'étaler leurs richesses aux yeux de tous : on appelle cela, la domesticité d'apparat. Plus l'aristocrate a de personnels, plus il est riche.


A partir du XIème siècle, on assiste à la naissance d'un nouveau corps social : la bourgeoisie. Elle bouleversera cette vision du travail et placera l'économie progressivement au centre de la société, tout d'abord dans sa forme agricole puis industrielle et enfin de services (ce que l'on appelle le tertiaire). En effet, ces marchands ne vivent pas de leur production : ils sont spécialisés dans le commerce de denrées produites par d'autres. A partir du XIIIème siècle, ces négociants ajoutent au coût des denrées le prix de leurs déplacements et de leurs services, dont le montant incertain permet de gonfler leur capital. La bourgeoisie médiévale pose les premiers jalons du capitalisme et inventera une poignée de services spécialisés : prêteurs sur gage, changeurs, banquiers, notaires, hommes de droit, apothicaire et autres professions libérales.


Progressivement, la bourgeoisie convoite la position privilégiée de la noblesse. En France, les bourgeois soutiennent le roi contre les seigneurs encore tout-puissants et participent au déclin de l'ordre féodal, remplacé par une monarchie forte. En retour, le monarque s'appuie sur cette nouvelle alliée pour gouverner, comme Louis XIV dont les conseillers étaient issus de la haute bourgeoisie. Malheureusement, sous le règne de Louis XVI, XVIIIème siècle, le pouvoir politique revient aux nobles, ce qui éloigne la bourgeoisie des décisions du royaume.


C'est ainsi que les bourgeois s'occuperont à nouveau de l'économie agricole. Cela me rappelle la célèbre fable de Jean de la Fontaine, Le laboureur et ses enfants, où la morale conclue par ces vers : :


D’argent, point de caché

Mais le père fut sage

De leur montrer avant sa mort

Que le travail est un trésor


En effet, ces nouveaux propriétaires engagent une autre gestion de la terre. Au lieu de la travailler pour vivre de ses productions, les champs offrent l'opportunité d'être productifs et modernisés. Il s'ensuit en Angleterre la révolution agricole qui améliore la santé de la population ainsi que l'opportunité de travailler hors des champs. C'est ainsi que cette nouvelle productivité agricole permet d'accumuler des capitaux florissants, réinvestis dans l'ingénierie et l'innovation.


C'est ainsi, comme on a pu le voir avec l'histoire du design, que pendant l'ère manufacturière, les pays modernes ont tiré leur principale richesse de la fabrication et de la vente d'objets manufacturés.

Et grâce à l'avènement du capitalisme industriel, la vision classique d'un travail maudit est remise en question.


Mais c'est à partir de la fin du XXème siècle, que l'on assiste à une profonde transformation économique : la naissance de la société de service, qui succède à la société manufacturière. Une première transformation, à l'aube du XIVème siècle avait déjà commencé à opérer : la majorité de la population active en Occident quitte les usines et les champs pour se lancer dans la production tertiaire. Parmi cette population, des spécialistes des objets industriels, comme les ingénieurs ou les designers, font surface. Mais qu'est-ce qu'ils font ici ? Ils ne dessinent pas des objets, des affiches ou encore de l'architecture ?


Dès lors, on peut se demander, qu'est-ce qu'un service ? Un service est un travail effectué pour quelqu'un contre une rétribution. Vous payez une sorte d'échange social. Par exemple, un médecin vous facture son diagnostic, un coiffeur son coup de ciseau ou encore, vous payez votre opérateur téléphonique pour bénéficier des services de téléphonie mobile. En d'autres termes, ces actions ou réflexions ne se fixent pas dans des objets et constituent un travail dit « nu », qui vaut pour lui-même.


Jusqu'aux boom numérique, nous connaissions essentiellement l'ère du produit. Le produit était simple, le client aussi. Dans les années 1920, les concepteurs du Bauhaus étaient dans une logique centrée objet, produit du design. C'est à partir des années 1950, que progressivement, l’environnement du produit a été davantage pris en compte, dans tous ses aspects (fonctionnels, esthétique, sécuritaire…). Les théories commençaient alors à être orientées processus. C’est à ce moment que l'on commence à prendre en compte des disciplines comme la psychologie, la sémiotique, l’ergonomie, et ainsi de suite.


Au fur et à mesure, les sociétés ont évolué grâce à la communication en réseaux dématérialisés, avec la prise de conscience de la rareté des ressources et ce qui en suit, l'effondrement de la révolution industrielle. C'est pourquoi, nous sommes aujourd'hui dans une société à économie de services, et non plus avec une économie dite industrielle. Aujourd'hui, la valeur d'usage est bien plus importante que la valeur de possession. Cette notion a été théorisé par l'économiste Jérémy Rifkin qui explique que « le capitalisme n'est plus fondé sur l'accès à la propriété mais sur l'accès à des expériences » dans son ouvrage La troisième révolution industrielle.


En d'autres termes, le consommateur n'achète plus des produits mais des instants d'émotions. C'est instant d'émotions sont liés à l'expérience vécue lorsque l'on utilise un service ou un produit. Selon Stéphane Vial, le design considère que, les effets produits découlent de l’acte créatif, ce dernier se trouvant dans le processus de design : le design n’est pas le champ des objets, mais le champs des effets.


Il distingue ainsi trois types d’effets liés à l'expérience et propre au design :

- l’effet ontophanique : augmenter l’expérience vécue

- l’effet callimorphique : exprimer la beauté formelle et l’attrait esthétique extérieur du design en termes de forme, volume, tactilité, graphisme et expression interactive

- et enfin, l’effet socioplastique : des formes capables de remodeler la société


Aujourd'hui, le designer réfléchit aux opportunités d'innovation du service, en prenant en compte les effets d'expérience, afin qu'ils soient en phase avec les mutations de notre société. Le designer de service n'est plus orienté objet, mais orienté utilisateur et son bien-être tout en intégrant l'importance du design de produit.


Pour des raisons liées à la crise industrielle et leur façon de réagir, le design de service est mieux connu dans le monde anglo-saxon. Mais en France, la notion de design perd peu à peu sa définition si galvaudée, à l’usage si restrictif d’être le privilège de la création industrielle ou réservé au champ de l’objet "à la mode".


Peu importe ce qui est façonné par le design, peu importe l’apparence que cela prend, ce qui compte principalement, c’est la capacité à produire des effets qui conditionnent l’expérience. Les objets et/ ou services ne sont présents dans notre quotidien pour le simple besoin de le ré-enchanter.


Par contre, il est nécessaire de faire attention : le sens du mot effet ne se trouve pas dans le corrélât de la cause, à entendre comme forme de "conséquence” mais comme un concept phénoménologique. La phénoménologie est l'étude philosophique de la sensibilité des êtres vivants, par rapport au monde physique, psychique ou social. Le design va augmenter la qualité de l’expérience vécue, de quelle nature qu’elle soit.


Ainsi, le designer affronte des questions de société pour tenter de les résoudre. C’est dans cette vision, voire même, dans son intérêt, que lorsqu’on parlera du concept de l’effet : on parlera "d’oeuvre" pour l’artiste mais de "projet" pour le designer. L’expérience-à-vivre dont parle Vial se trouve dans l’essence même du projet : c’est là que doit se trouver la satisfaction des besoins, susceptible d’améliorer la qualité de leur existence, structurant les usages à travers des propositions formelles à vocation extraordinaire (à prendre dans le sens "qui sort du vécu habituel").


Le design n’est pas un acte de création, résultant d’un acte indépendant, individuel. Le designer partage, dans ses fondements et ses fondations, l’objet ou le service qu’il imagine pour le futur usager auquel il est destiné. Le designer met le coeur à l’ouvrage à offrir un service à autrui, pour lequel il porte la responsabilité d’enchanter son monde. L’artiste lui, n’a pas d’explications à fournir pour expliquer son oeuvre : les couleurs, les formes, les matières… ne regardent que lui. Or, le designer doit se mettre en position justificatrice, afin que ses décisions soient reconnues objectivement et ainsi, acceptées par tous en leur apportant du sens.


Pour Patrick Jouin, designer français, « le designer c’est quelqu’un qui est curieux, curieux des techniques, curieux des usages, curieux des comportements des autres et des siens propres. C’est quelqu’un qui doit injecter dans des objets d’usage une élégance, une poésie, faire que chaque moment de la vie soit un moment d’exception (...) Notre métier c’est de faire que tous ces moments soient des moments de qualité : que les objets ne nous encombrent pas, mais qu’ils soient au contraire des sortes de révélateurs de ce qu’il y a de mieux en nous ».


Comme Stéphane Vial, « l’artiste projette ce qu’il porte en lui, le designer projette la réalité,c’est-à-dire une possibilité d’avenir réalisable. Le designer est un projeteur. Il jette en avant un plan, un dessein, une intention. Il a des vues sur l’avenir ».


Professionnellement, ça donne quoi ?


Le design de service est une stratégique d'innovation plus humaine. Les choix sont motivés par des preuves, grâce à des études ethnographiques ou encore, des ateliers de co-création. Utiliser les compétences du design au service, c'est se concentrer sur les relations humaines, ses interactions et notamment les retranscrire sous la forme de persona ou de parcours clients dans des domaines donnés.


Grâce au design de service, on maintient un équilibre perpétuel entre une capacité de vision stratégique et des savoirs-faire créatifs et des techniques. L'approche du design va au-delà de son rôle initial, c'est-à-dire la conception de formes, couleurs, d'ergonomie pour s'occuper de la relation entre le produit et l'utilisateur afin que ce dernier puisse utiliser le service de manière utile et facilement. Bien souvent, un service va être associé à un objet qui permet l’interaction avec l’utilisateur (borne, application sur téléphone mobile…). Bref, en d'autres termes, le design de service s'intéresse à la fonctionnalité et à la forme des services du point de vue des usagers. En s'assurant que l'interface du service est utile, utilisable et désirable du point de vue utilisateur, l'objectif est atteint. D'un point de vue économie, intégrer le design permet un service efficace, performant et différenciant.


Le design de service est une discipline très récente, si on la compare aux décennies d'évolution économiques et industrielles. Il est un outil prometteur à utiliser pour améliorer l'expérience utilisateur et le quotidien en général, dont le milieu du management. L'essor semble inévitable dans notre société, où l'économie des services qui s'axe désormais sur le numérique


Vous retrouverez toutes les sources concernant le podcast sur mon site internet massotmarion.wixsite.com/website dans la rubrique blog puis Podcast.


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N'hésitez pas à le partager avec votre entourage ou à me laissez votre avis. Je me ferais un plaisir de le lire lors d'un prochain podcast !


Merci de m'avoir écouté ! A la semaine prochaine !".


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Sources :

- Le Design, Stéphane Vial

- Court traité du design, Stéphane Vial


- http://www.userstudio.fr/mission/

- https://www.strate.design/metier-designer-service

- https://www.usabilis.com/design-de-service

- https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Laboureur_et_ses_enfants


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Vous pouvez me soutenir sur la plateforme de financement participatif Tipeee : https://fr.tipeee.com/culture-design


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